L’Affaire Daewoo

septembre 1999

L’empire Daewoo vacille sur ses bases. Une de ses poutres maîtresses, Daewoo Electronics, a déjà cédé et l’ensemble menace ruine ; il est aujourd’hui à la merci des créanciers internationaux et du Gouvernement coréen. Cette chute doit faire réfléchir sur l’avenir des chaebols, sur les limites des stratégies de rattrapage, sur le dévoiement des solutions mercantilistes, et sur les impasses du capitalisme autoritaire.

Mais ces débats ne sont pas d’actualité en France, où il est plutôt question de Longwy et de TMM. La solidité des emplois créés dans les zones déprimées par les entreprises en quête de primes est à nouveau questionnée. Le bassin de Longwy où Daewoo a créé 1000 emplois craint pour son avenir, d’autant que cette défection annoncée fait suite à celles de Panasonic et de JVC. L’autre débat qui resurgit est celui de Thomson Multimedia que le Gouvernement Juppé avait failli céder à Daewoo Electronics pour le Franc symbolique dans le cadre d’un plan élaboré par le Groupe Lagardere, défendu par le Trésor, porté aux nues par Mr Longuet et mis en scène par Publicis.

Mais le soulagement de ceux qui ont défendu le projet ou qui ont laissé faire n’est d’aucune utilité : ce n’est pas parce que Daewoo fait faillite aujourd’hui qu’il ne fallait pas lui confier hier TMM, c’est parce qu’hier Daewoo était incapable de reprendre TMM et que ceux qui étaient en charge n’ont rien vu et rien compris que l’affaire Daewoo doit être méditée.

En effet nul ne prévoyait en 1996 la crise asiatique, nul ne peut écrire l’histoire de Daewoo Electronics enrichie de TMM, et nul ne peut donc dire ce que serait l’attitude actuelle du Gouvernement sud-coréen si Daewoo Electronics était devenue la première activité du Chaebol.

Par contre il était clair dès 1996 que Daewoo n’apportait rien à TMM ni en matière technologique, ni en matière industrielle, ni en termes de marchés et ceux qui prétendaient le contraire étaient soit obnubilés par la question du chômage, soit ignorants des réalités de l’électronique grand public.
Il était clair également que le chaebol qui avait un ratio dettes à long terme sur fonds propres supérieur à 5 était déjà d’une grande fragilité financière et qu’il ne pouvait guère consolider les structures financières de TMM. Il fallait donc toute la frivolité des « experts » de Bercy pour prétendre qu’un tel ratio étant la norme, en Corée, cela ne posait pas de problèmes.

Il était clair enfin que TMM par ses propres moyens et dès lors que l’actionnaire payait la facture de ses inconséquences passées était viable et retrouvait une situation mécaniquement bénéficiaire en 1999.

Tout ceci fut dit en son temps notamment par l’auteur de ces lignes mais l’interessant n’est pas là. La question qui se pose est de savoir ce que sont devenus les protagonistes français de cetre bataille. N’évoquons pas, par charité, les hommes politiques qui, dans des régions assoiffées d’emplois, ont fait miroiter les 5000 salariés recrutés dans la solution Daewoo. Mentionnons pour mémoire le groupe Lagardère qui, à défaut d’acquérir Thomson, ne va pas tarder à recevoir d’un Gouvernement socialiste le contrôle d’Aerospatiale. S’agissant de la Direction du Trésor on sait depuis longtemps que l’erreur n’a jamais empêché les grandes carrières, l’irrresponsabilité est une propriété de système. Reste A.Prestat, le Président de TMM qui au péril de sa carrière, défendit l’intérêt national, celui de l’entreprise et celui des salariés. Qu’advint il de lui ? Il fut licencié par la droite, et maintenu au purgatoire par une gauche revenue au pouvoir, qui ne disposait pourtant pas de grands dirigeants industriels en son sein.

Que la gauche ou la droite soient au pouvoir, on ne résiste pas à un ordre fût-il illégitime, la qualité première recquise de nos hauts fonctionnaires et des dirigeants d’entreprises publiques reste l’obéissance fût-ce au détriment du bien public : le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté ....


Voir en ligne : L’Expansion